Trouver le juste équilibre entre les besoins de chacun au sein de la famille peut s’avérer un véritable défi. En tant que psychothérapeute et animatrice de cercles de soutien, j’accompagne souvent des personnes dans leur questionnement sur la frontière entre soi et les autres. « Quelle part de mes besoins doit être satisfaite dans chaque relation, et quelle part des leurs ? » me demandent-ils. Chaque relation implique trois ensembles de besoins : les vôtres, les leurs et ceux de la relation elle-même. Cependant, il arrive que ces besoins s’opposent et ne puissent donc pas tous être comblés. Alors, que faire lorsque les besoins de nos enfants abondent (comme il se doit !) ? Comment décider lesquels satisfaire et quand se prioriser soi-même ?
Mythe : les besoins de l’enfant avant tout ?
Dans de nombreux cercles parentaux dont je fais partie, j’ai entendu la croyance selon laquelle les besoins des enfants doivent être satisfaits à 100 %. Certains parents renoncent à contrecœur à des soirées entre amis, annulent leur séance de massage ou assistent à chaque match de Little League, mais choisissent de vivre avec ce ressentiment car ils ont appris quelque part que l’amour signifie nier ses propres besoins et faire passer ceux des autres avant les siens.
Bien que cette démarche parte d’une bonne intention, elle peut en réalité avoir l’effet inverse lorsque nous surinvestissons la satisfaction de leurs besoins. Au fil du temps, cela leur apprend à être des autosaboteurs. De nombreux parents se retrouvent ainsi dans une impasse, moi y compris. En tant que nouvelle maman, j’avais peur de reproduire ma propre dynamique d’enfant et ressentais donc de l’anxiété à l’idée de ne pas « être suffisamment présente », tout en remarquant que l’être en permanence me laissait épuisée et irritable.
L’attachement sécurisé, un juste milieu
La théorie de l’attachement, introduite par le psychologue britannique John Bowlby dans les années 1950, est la science la plus largement citée et la plus solide dont nous disposons pour nous aider à comprendre comment nous nous rapportons aux autres. Les observations des dynamiques mère/nourrisson ont servi de base pour montrer que la relation que nous avons avec nos parents ou nos tuteurs lorsque nous sommes bébés a un impact sur le type de relations que nous avons en tant qu’adultes.
Chez les enfants ayant un attachement sécurisé, on peut constater qu’ils possèdent la liberté de demander ce qu’ils veulent et qu’ils sont facilement apaisés lorsqu’ils ne l’obtiennent pas. Cela signifie que leurs donneurs de soins étaient souvent émotionnellement – et pas seulement physiquement – présents, attentifs et acceptant les besoins de leurs enfants. Les soignants communiquaient verbalement et énergétiquement : « Je te vois, je t’entends et je vais te répondre d’une manière attentive, claire et bienveillante. »
Répondre « souvent » aux besoins
Répondre aux besoins de nos enfants ne signifie pas tous les satisfaire. Tous les besoins doivent être reconnus, mais cela ne veut pas dire que nous devons tout lâcher pour les combler. La recette de l’attachement sécurisé est la suivante :
- 33% du temps « bien faire » : c’est communiquer que vous entendez le besoin et que vous allez y répondre.
- 33% du temps il y a une rupture : vous avez manqué le besoin, vous n’avez pas compris de quoi il s’agissait, vous n’avez pas pu y prêter attention parce que vous aviez trop d’autres exigences à ce moment-là, et votre enfant peut en ressentir de la peine ou de la déception.
- 33% du temps il y a réparation : c’est l’étape la plus importante pour développer un attachement sécurisé. Cela signifie que lorsque nous nous trompons, nous le reconnaissons et en prenons la responsabilité en présentant des excuses sincères.
5 étapes pour naviguer habilement entre les besoins
Voici comment vous pouvez aborder cette dynamique :
- Clarifiez vos croyances, sentiments et expériences liés aux besoins. Si enfant, vous avez dû nier vos besoins, observez votre réaction face à ceux de vos enfants. Y répondez-vous immédiatement sans vérifier votre capacité ? Voulez-vous les fuir mais vous y pliez quand même ?
- Envisagez de reconnaître TOUS les besoins mais n’en satisfaire que CERTAINS. Si vous ressentez du ressentiment en répondant aux besoins de votre petit, c’est un indicateur que vous dépassez peut-être votre limite. Certains chercheurs suggèrent que 55% de la communication est le langage corporel, 38% le ton de la voix et 7% les mots prononcés.
- Donnez un « non connecté ». Parfois, lorsque nous voulons dire non mais que nous nous sentons coupables et disons donc oui, nous agissons d’une manière qui fait plus de mal qu’un simple « pas maintenant » clair et net.
- Repérez le ressentiment. Le ressentiment est une émotion qui est en fait une fonction de l’envie. Vous n’êtes peut-être pas en colère parce que vos enfants ont tant de besoins ; vous enviez peut-être le fait qu’ils soient si à l’aise de s’approprier leurs besoins.
- Qualité plutôt que quantité. Ce n’est pas le nombre de oui qui compte, c’est la façon dont ces oui vous font vous sentir, vous et votre enfant. Des recherches montrent que pour les jeunes enfants, seulement 5 à 10 minutes par jour de jeu dirigé par l’enfant peuvent renforcer le lien entre parent et enfant.
En résumé
Le besoin est humain. La séparation est en contradiction avec notre biologie. Il n’y a rien de mal à avoir des besoins ou à ce que nos enfants en aient, mais ils ne peuvent et ne doivent pas tous être satisfaits pour élever des enfants équilibrés et aimants. C’est la façon dont nous interagissons avec les besoins qui a un impact sur nos relations. S’il n’y a pas assez de vous (vos besoins, vos sentiments) dans votre relation avec vos enfants, alors vous vous retirez de la connexion et finissez par leur apprendre à faire de même. Dire « Je compte aussi », ce qui n’est pas la même chose que « Je compte plus » – pourrait en réalité renforcer, plutôt que nuire, à votre lien.