Dans notre quête incessante d’amélioration, il est facile de se laisser happer par le tourbillon du développement personnel. Bien que cette industrie puisse transformer des vies, voire en sauver certaines, elle comporte également des écueils insoupçonnés. Nous avons interrogé des experts sur la façon de déterminer quand votre parcours d’auto-assistance cesse d’être bénéfique et comment retrouver un équilibre sain.
Peut-on être accro au développement personnel ?
Si une « addiction » au développement personnel diffère radicalement d’autres dépendances, elle implique néanmoins la quête d’un certain « high ». Selon la psychologue clinicienne Chloe Charmichael, ce rush survient généralement lorsqu’on découvre une nouvelle habitude, un livre inspirant ou un programme prometteur. Notre cerveau se focalise alors sur une version théorique de nous-mêmes, notre « soi aspirationnel ».
Au début, cette nouveauté peut donner l’impression grisante d’enfin y arriver, d’évoluer vers notre moi idéal en comblant le fossé entre ce que nous sommes et ce que nous voudrions être. Lorsque cela ne fonctionne pas comme espéré, la déception pointe, avec le sentiment d’avoir besoin d’un énième livre ou programme pour se « réparer ». S’ensuit alors un enchaînement frénétique d’objectifs, sans réelle pause ni réflexion.
Le plus pernicieux dans cette addiction, c’est qu’en surface, elle ne semble absolument pas toxique, se parant même de atours bénéfiques. Mais papillonner d’une méthode à l’autre engendre un stress extrême, voire une haine de soi, pour peu de résultats.
Pourquoi le développement personnel requiert parfois du détachement
La pression sociétale pour évoluer à vitesse grand V est immense. Lorsqu’on passe ses journées à ingérer de nouvelles informations sur le développement personnel sans jamais souffler, la saturation guette. Jor-El Caraballo, thérapeute ayant été témoin d’addiction au développement personnel, souligne qu’il est essentiel de réaliser que l’évolution ne nécessite pas toujours un guide – elle peut survenir naturellement.
Lorsqu’on cesse d’absorber constamment de l’information, on s’octroie un temps précieux d’introspection et même d’ennui. C’est dans ce silence que résident les questions essentielles et leurs réponses, affirme Caraballo. Moins obnubilé par un objectif précis, on réalise parfois qu’une toute autre voie nous correspond davantage.
Comment aborder le développement personnel de manière saine et efficace
La bonne nouvelle, c’est qu’il est hautement bénéfique de travailler un aspect de soi à la fois, surtout un désir de longue date. Le développement personnel n’est pas une cause perdue si vous n’avez pas constaté de progrès tangibles, êtes accro à la quête ou n’avez jamais trouvé une méthode qui vous convienne. La clé : y avoir recours avec modération, intention et réalisme.
Définir des intentions claires et personnelles
Plutôt que d’adopter des objectifs vagues basés sur ce que vous pensez devoir vouloir, rendez vos buts concrets et applicables à votre vie. Relier votre objectif à quelque chose qui vous tient vraiment à cœur vous aidera à naviguer parmi les différents programmes et ouvrages, explique Caraballo.
Si vous souhaitez être plus en forme mais n’avez jamais accordé d’importance au poids, ne visez pas un nombre sur la balance. Réfléchissez plutôt aux raisons profondes de ce désir, comme avoir l’énergie de jouer avec vos enfants ou vous sentir bien dans votre corps. Déterminer votre « pourquoi » est crucial, sans quoi il sera ardu de mesurer vos progrès, souligne le coach Alex Shea.
Opter pour la modération et procéder par phases
Le développement personnel ne doit pas être un emploi à plein temps. Carmichael note que les personnes cultivant un état d’esprit incrémental réussissent bien mieux à atteindre leurs objectifs. Il est judicieux d’alterner entre des phases où l’on absorbe de l’information et d’autres où l’on observe, afin de maintenir sa motivation et éviter le surmenage.
Si vous souhaitez explorer plusieurs pistes, faites-le de manière pérenne en vous limitant à une nouvelle idée ou un nouveau programme par mois, conseille Carmichael. Notez ce qui vous interpelle pour y revenir ultérieurement.
Être réaliste quant aux possibilités et limites des outils d’auto-assistance
Enfin, gardez à l’esprit que les livres et programmes ne sont que des outils. Seul, un outil ne peut faire de miracles. C’est uniquement en sachant précisément pourquoi on l’utilise et en s’accordant le temps de se l’approprier qu’il portera ses fruits. Rappelez-vous qu’il n’est pas indispensable d’acheter quoi que ce soit pour entamer et achever un cheminement personnel. Ces outils sont utiles, mais pas essentiels.
En résumé
Pour éviter l’addiction au développement personnel, les experts en santé mentale s’accordent sur l’importance de :
- Se fixer des objectifs personnels, à raison d’environ un par mois
- Accepter que la croissance puisse se faire en douceur
- Consulter un thérapeute ou se confier à des proches de confiance en cas de succession frénétique d’objectifs sans progrès
Par-dessus tout, souvenez-vous que l’épanouissement personnel ne s’achète pas ; il se façonne. Livres et programmes sont des outils précieux, mais le véritable changement émane toujours de soi.