Pendant des années, on nous a répété le même refrain : un verre de vin est bon pour le cœur, une bière fraîche aide à se détendre, boire avec modération est sans danger, voire bénéfique pour la santé. Pourtant, le dernier avis du Chirurgien Général américain vient bousculer toutes nos certitudes sur l’alcool et la santé, en révélant un lien direct et scientifiquement établi entre la consommation d’alcool et le cancer.
L’alcool, 3ème cause évitable de cancer aux États-Unis
Selon l’avis de 2025 du Chirurgien Général, l’alcool contribue chaque année à près de 100 000 nouveaux cas de cancer et environ 20 000 décès par cancer aux États-Unis, ce qui en fait la troisième cause évitable de cancer après le tabac et l’obésité. Concrètement, l’alcool tue plus par cancer que par accidents de la route (20 000 vs 13 500 décès annuels).
Les personnes qui meurent d’un cancer lié à l’alcool perdent en moyenne 15 années de vie, totalisant quelques 305 000 années de vie perdues chaque année. À l’échelle mondiale, l’alcool était lié à 741 300 cas de cancer en 2020, dont 185 100 attribuables à une consommation modérée de 2 verres par jour ou moins.
Comment l’alcool provoque-t-il le cancer ?
La science a clairement établi plusieurs mécanismes biologiques par lesquels l’alcool augmente le risque de cancer :
- Dommages à l’ADN par l’acétaldéhyde : Lorsque l’éthanol est métabolisé, il produit de l’acétaldéhyde, une substance toxique et cancérigène qui se lie à l’ADN et provoque des mutations pouvant déclencher une prolifération cellulaire incontrôlée.
- Stress oxydatif et inflammation : L’alcool génère des espèces réactives de l’oxygène (ROS) qui endommagent les cellules, les protéines et l’ADN par oxydation, entraînant une inflammation chronique propice au développement de cancers.
- Perturbation hormonale : L’alcool interfère avec la régulation hormonale, notamment en augmentant les niveaux d’œstrogènes, ce qui est fortement associé à un risque accru de cancer du sein.
- Absorption accrue de cancérogènes : L’alcool agit comme un solvant pour d’autres substances nocives. Combiné au tabac par exemple, il aide les cancérogènes à pénétrer les tissus, amplifiant les risques de cancers buccaux et de la gorge.
Ces mécanismes expliquent pourquoi l’alcool est un facteur causal d’au moins sept types de cancers : sein (chez la femme), côlon-rectum, foie, œsophage, cavité buccale, pharynx et larynx.
Pas besoin de boire beaucoup pour augmenter ses risques
Contrairement à une idée reçue, le risque ne concerne pas uniquement les gros buveurs. Pour certains cancers, le risque commence à augmenter dès un verre par jour :
- Cancer du sein : Un seul verre par jour accroît le risque de 10%. Au-delà de 2 verres quotidiens, le risque grimpe à 32%.
- Cancer colorectal : Une consommation modérée (1,5 à 4 verres/j) augmente le risque de 17%, et une forte consommation (4+ verres/j) de 44%.
- Cancers de la bouche, de la gorge et de l’œsophage : Boire peu (~1 verre/j) accroît déjà le risque de cancer buccal de 40%. Une consommation modérée (1,5 à 4 verres/j) multiplie par 2,2 le risque de cancer de l’œsophage et par 1,8 celui des cancers oraux/pharyngés. Les gros buveurs ont un risque 5 fois plus élevé pour ces derniers.
En résumé, toute quantité d’alcool augmente le risque de cancer. Et si les excès aggravent fortement ce risque, une consommation légère n’est pas sans conséquences pour autant.
L’alcool, un danger méconnu
Malgré des décennies de recherche, la conscience du lien alcool-cancer reste étonnamment faible dans la population. Selon un sondage de 2019, si 91% des Américains reconnaissaient le tabac comme facteur de risque, seulement 45% savaient que l’alcool augmente le risque de cancer.
Cette méconnaissance est en partie due au marketing de l’alcool, qui met en avant une consommation « responsable » ou les bénéfices supposés du vin rouge pour le cœur, occultant les risques. Les mises en garde sur le lien alcool-cancer brillaient jusqu’ici par leur absence.
Moins d’alcool = moins de risques
Faut-il pour autant devenir abstinent ? C’est un choix personnel, mais la science est claire : moins on boit, mieux c’est. Les recommandations actuelles préconisent un maximum de 1 verre/j pour les femmes et 2 pour les hommes. Pourtant, 17% des décès par cancer liés à l’alcool surviennent dans ces limites dites « raisonnables ».
Voici quelques pistes concrètes pour y parvenir :
- Connaître les équivalences d’un verre standard (5 cl de vin, 12 cl de bière à 5°, 3 cl d’alcool fort)
- Noter sa consommation pour en prendre conscience
- Instaurer des jours sans alcool dans la semaine
- Opter pour des boissons moins alcoolisées ou sans alcool
- Tenir compte de ses antécédents familiaux de cancer
- Changer de perspective : réduire l’alcool, c’est gagner en qualité de vie (meilleur sommeil, concentration, bien-être…)
L’avis du Chirurgien Général est un coup de semonce qui nous invite à repenser la place de l’alcool dans nos vies et nos choix de santé. Être bien informé des risques permet de faire des choix éclairés pour préserver sa santé sur le long terme. Que l’on boive moins ou plus consciemment, chaque petit pas compte pour réduire son risque et vivre plus longtemps en bonne santé.